Re: [syndicate] Sloterdijk : le narcissisme infantile du non français
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Fri Jun 10 18:58:47 CEST 2005
i make it short on your syndicate XCROSSPOST !!!!!
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U stoupid !
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OG
-/ LA France c'est moi ! /-
Le 10 juin 05, à 11:47, ohnoqt at yahoo.com a écrit :
> Entretien avec Peter Sloterdijk à propos de Non à TCE
>
> <sloterdijkdenkt.jpg>
> Sloterdijk : le narcissisme infantile du non français
>
>
> Le philosophe allemand est en colère contre ces intellectuels français
> qui, sur la question du traité constitutionnel, ont mobilisé un rituel
> postrévolutionnaire et dénoncé « les nouveaux ennemis du peuple ».
>
> Elisabeth Lévy : Comment interprétez-vous le non français ? Est-ce le
> choix de l'héroïsme ?
>
> Peter Sloterdijk : Il y a deux non à interpréter. Le non néerlandais
> est un non de la méfiance, de la susceptibilité petite-bourgeoise et
> tout simplement de la peur. De tonalité assez différente, le non
> français est punitif, triomphal et prétend être une répétition de la
> Révolution française par les moyens du suffrage universel. Ce non se
> veut héroïque, mais c'est l'héroïsme des enfants gâtés.
>
> Des enfants gâtés, vous exagérez, même si ce mot n'est nullement
> péjoratif pour vous : beaucoup d'électeurs se sentent au contraire
> privés de toute protection face au capitalisme mondialisé. C'est pour
> cette raison qu'ils ne veulent pas que les nations disparaissent.
>
> Ce n'était pas le sujet ! Les électeurs ont répondu à des questions
> qui n'étaient pas posées mais qui étaient dans l'air. Voulez-vous
> mourir pour une Europe médiocre ? Voulez-vous que la France ou les
> Pays-Bas soient dissous dans une Europe sans contours ? Voulez-vous
> que l'Europe s'agrandisse vers l'est ? Mais personne ne leur demandait
> s'ils voulaient accueillir des travailleurs polonais. En tout cas,
> c'est la première fois que la xénophobie porte le drapeau de la
> fierté.
>
> Il n'y a rien de xénophobe dans le refus d'être mis en concurrence
> avec des travailleurs beaucoup moins payés.
>
> C'est pour cela qu'il faut distinguer le non des intellectuels et
> celui du peuple ; et, même dans le non des intellectuels, le non
> narcissique d'un Michel Onfray, dont la sottise me fait rire, n'a rien
> à voir avec le non adulte ou conservateur de Régis Debray. On peut
> donc en même temps respecter le non de la majorité, lui reconnaître
> une certaine noblesse et se moquer de certains intellectuels. En tout
> cas, il faut s'intéresser à un nouveau phénomène qui est l'émergence,
> au cours de ce débat, d'une nouvelle figure de l'ennemi du peuple :
> les éditorialistes, perçus comme les porte-parole de la sagesse et de
> la médiocrité adultes, et que la majorité a identifiés à une nouvelle
> aristocratie.
>
> Vivons-nous une période prérévolutionnaire ou révolutionnaire ?
>
> Nous sommes dans le registre du rituel postrévolutionnaire, même s'il
> existe des tensions apparemment prérévolutionnaires dans les relations
> entre les élites et le peuple. C'est une tradition française depuis le
> XIXe siècle : on répète la Révolution, soit dans l'ordre du réel, soit
> dans l'ordre du symbolique. Mais rejouer la Révolution, ce n'est pas
> la faire.
>
> Cela dit, ce n'est pas la première fois que les Français n'obéissent
> pas à leurs grandes consciences. Ils ont écarté tous les candidats des
> médias, d'Edouard Balladur à Lionel Jospin.
>
> Oui, en ce sens, ce 29 mai reconduit le 21 avril : les Français ne
> veulent pas de la médiocrité sociale-démocrate ; en 2002, à un
> politicien honnête et pâle comme Jospin, ils ont préféré des ogres ou
> des fous. Ils ont politisé la folie et ils persistent sans le moindre
> repentir.
>
> Cette façon de psychiatriser la dissidence est précisément l'une des
> choses que les électeurs ont rejetées. Comme cette propension à
> réduire le vote à un caprice d'enfants gâtés...
>
> Encore une fois, je parle surtout d'une partie de l'élite du non. Pour
> le reste, on ne commente pas la peur. La peur est un fait, quelque
> chose qui vous serre la gorge. Nombre d'intellectuels ( ha!
> Baudrillard! ) ont fait preuve d'un certain anarcho-infantilisme en
> proclamant la beauté du non, en avouant que la victoire du non serait
> plus intéressante . Cela signifie que la notion de maturité politique
> n'existe plus. Ce mot ne fait plus partie du vocabulaire politique. On
> a vu des dirigeants médiocres proposer à des peuples médiocres de
> pérenniser la médiocrité. Les peuples n'en ont pas voulu.
>
> Justement, on peut aussi entendre le non comme un refus de la sortie
> de l'Histoire ou, pour reprendre la métaphore que vous affectionnez,
> comme un rejet du palais de cristal, de la grande salle de gym
> qu'aspire à devenir l'Europe.
>
> Non, on a voté pour conserver le palais de cristal dans sa forme
> existante, parce qu'on pense être trop pauvres pour se payer les
> travaux d'agrandissement : on a eu peur que la température intérieure
> du palais baisse. Bref, les électeurs n'ont pas voulu risquer une
> gâterie sûre pour une gâterie hypothétique, même supérieure. Le
> résultat, c'est que nous allons tous rester dans un palais un peu plus
> gris, un peu plus privé d'espoir.
>
> Donc, vous aussi, comme tous ces bons éditorialistes, pensez
> finalement que le ressort du vote non a été exclusivement la peur ?
>
> Pour les Pays-Bas, c'est certain. En revanche, en France, il y a eu un
> très fort courant que je qualifierai de méchanceté jubilatoire. Une
> épidémie paranoïaque qui a conduit, je le répète, à dénoncer les
> éditorialistes comme les descendants des aristocrates de la Révolution
> française.<18.gif> On les a soupçonnés de vouloir faire taire le sens
> commun et l'esprit critique, de chercher à obliger le peuple à dire
> des choses qu'il ne veut pas dire. Bref, d'être des pharmaciens
> infernaux qui voulaient empoisonner le peuple.
>
> Il faut dire qu'ils font parfois penser aux médecins de Molière. Dès
> qu'une question se pose, ils répondent « L'Europe ! L'Europe, vous
> dis-je ! ».
>
> Oui, l'Europe serait la panacée contre tous les maux. En attendant,
> l'atmosphère est de plus en plus anti-élitiste. C'est dans cette
> perspective qu'il faut souligner le rôle particulier de l'Internet
> dans l'organisation du non français. Sur le Réseau se propageaient les
> rumeurs les plus paranoïaques, mais les utilisateurs du Net avaient la
> conviction jubilatoire d'être plus malins que la presse écrite. Alors
> que celle-ci était, dans sa majorité, sage et proeuropéenne, le Net
> était presque entièrement négatif. Et cette négativité était fondée
> sur la célébration de sa propre intelligence. C'est pour cela que le
> non français est en partie un non d'enfants gâtés et d'enfants
> terribles.
>
> On peut se demander si ce ne sont pas ces adultes prétendument
> raisonnables qui infantilisent les peuples. Parce que, si être
> raisonnable signifie accepter le chômage et la précarité, mieux vaut
> effectivement demeurer enfant !
>
> Dans ce cas-là, le vote français articulait un non métaphysique. La
> question profonde du référendum aurait été : est-ce que vous vous
> résignez à un monde où les adultes ne peuvent pas résoudre tous les
> problèmes ? Ou même : vous acceptez-vous un monde où un certain nombre
> de maux continuent à exister ?
>
> Et si tout cela signifiait que les élites ne font pas leur boulot
> d'élites ? Après tout, cela fait des années qu'elles donnent le
> sentiment de ne rien entendre de ce qui se passe dans les sociétés.
> Pourquoi les écouterait-on ?
>
> Il est vrai que la démocratie directe suppose des élites qui ont fait
> leur travail, en l'occurrence une campagne d'information de plusieurs
> années. Or, au contraire, on a le sentiment que ce projet européen
> accéléré s'adresse aux seules élites, c'est-à-dire à ceux qui ont la
> capacité d'éprouver, même sans enthousiasme, la beauté d'un grand
> projet dénué de toute grandeur. L'Europe, c'est le paradoxe d'une
> grandeur sans grandeur : difficile à expliquer aux populations agitées
> par les luttes quotidiennes ! Le prix de l'aventure européenne, c'est
> le renoncement à l'héroïsme. Pour entrer dans ce club d'empires
> humiliés, il faut prouver qu'on a abandonné les mauvaises manières de
> la fierté impériale et de la grandiloquence. Oui, l'Europe est un club
> de médiocres, là est sa grandeur, une grandeur ironique. L'alternative
> à laquelle nous sommes confrontés est simple : d'un côté, grandeur et
> sacrifice, de l'autre, bien-être et médiocrité.
>
> D'où, peut-être, le message confus envoyé par les électeurs français :
> nous voulons la grandeur et le bien-être !
>
> Le surréalisme français est sorti des musées et descendu dans les
> rues, où l'on porte des banderoles sur lesquelles est inscrit le
> slogan : « Le peuple ne cède pas sur son désir. » Pour qu'il y ait des
> enfants gâtés - tels qu'on les aime -, il faut bien que quelques
> adultes s'occupent de la construction de la serre. On ne devient pas
> adulte en critiquant les eurocrates ou tous ceux qui s'occupent du
> bien-être collectif. Que les moyens qu'ils emploient soient ou non
> convaincants est une autre question. L'anti-élitisme et
> l'anti-adultisme ne mènent à rien .
> 9juin2005,Propos recueillis par Elisabeth Lévy ,
> http://www.lepoint.fr/edito/document.html?did=164024
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