[syndicate] Xtr-M & vintage (french way)
philippe boisnard
philemon1 at mac.com
Thu Aug 5 09:45:32 CEST 2004
Chère Aliette, chers tous
(only in french)
pour ce que tu dis, je suis entièrement d'accord avec toi.
Ayant travaillé énormément Heidegger (maîtrise + DEA), et notamment en
maîtrise la question de la signature et de la ratification du Dasein à
un co-destin (communauté = ontologie régionale) où se joue la
destinalité de l'être en tant que tel (de l'ontologie fondamentale), je
pense comprendre ce qui s'y joue.
certes pendant pas mal d'années (jusqu'en 97 à peu près) je me suis
laissé enfermer dans la seule logique de cette transcendance de l'être
dans l'homme (transcendance particulière au sens où elle ne se donne
que comme ouverteté (Offenheit) au propre (et pas à l'authentique qui
est une mauvaise traduction) existential du Dasein lui-même, et donc
elle est vérité transcendantale = cf. Etre et Temps).
En effet, la ligne qui me dérange chez Heidegger, mais aussi chez de
nombreux poètes/écrivains (je ne connais pas assez le milieu des arts
numériques pour en parler), c'est la discrimination de l'autre (directe
ou indirecte) via la question de la constitution de soi propre. On
perçoit cela comme une sorte d'aristocratisme existential. Le fait que
certains sont ouverts au sens de l'être, alors que les autres aveugles
seraient dans les sentiers obscurs du dévalement (ceux qui
linguistiquement sont réduits alors dans les énoncés à "on", "les
hommes", "les consommateurss", etc... y a-t-il autant d'abrutis que
cela ???)
Cela me dérange au sens où, tel que l'énonce Nietzsche, on pourrait
alors croire qu'il y aurait un modèle-dasein qui permet de juger
l'imperfection des autres (cf. Livre du philosophe, section III, sur
l'identification du non-identique)
Cette perspective on peut la retrouver aussi bien chez les
situationnistes, que chez tous ceux qui critiquent par exemple les
sphères médiatiques ou technologiques selon non pas l'usage fait (qui
est la question des rapports pragmatiques d'instrumentalisation des
techniques afin d'établir des micro ou macro dominations et de là des
représentations hégémoniques), mais selon les relations qu'établissent
les spectateurs/individus à celles-ci.
Ce qui se cache derrière, selon mes analyses, ce sont toujours des
processus de condensation de vérité, de détermination de normes, et en
fait d'obtention de pouvoir face à une représentation du réel
déterminée.
La pensée Heideggerienne, ne s'échappe pas de cette voie (cf. alors la
liaison entre le philosophique et le politique, et ce qu'il a cru
pouvoir faire au niveau du politique : la révélation d'une pensée
philosophique du propre).
Derrière sa critique de la métaphysique, se cache encore un
essentialisme de l'homme, certes mis en perspective dans une donation
immanente de l'être, mais qui reste en son immanence transcendant comme
je l'ai dit (à savoir qui implique un devoir-être)
Alors que ce qui me semble devoir être interrogé, c'est justement à
partir d'une absence d'essence et donc de jugements sur l'homme, la
variation des opérations pragmatiques de compréhension,
d'utilisation/instrumentalisation des techniques et de leur capacité.
La question alors doit réfléchir sur les connections entre potentiel
d'affectualité de l'individu (en quel sens chaque individu se détermine
selon la variation des potentialités d'affectualité de son être, qu'il
met en évidence dans la confrontation entre vécu de sens immanent de
soi et représentation idéale de soi en tant que critère ad-venir de sa
propre concrétion) et de l'autre possibilité de créer des impacts
affectuels selon la technique.
La réflexion alors ne se porte plus sur la possibilité d'être ouvert au
sens de l'être, devant déterminer la co-destination du Dasein en
général (et donc d'une communauté nationale? transnationale ? globale
?), mais davantage de comprendre en quel sens, certains individus selon
leur propre projection de soi, en viennent à instrumentaliser des
techniques afin de garantir leur propre fin (y compris en art)
Ici, le critère de jugement sur l'art proposé est celui de la
contemporanéité critique, à savoir de l'efficacité pragmatique d'une
oeuvre à mettre en évidence les fonctionnements de certains systèmes de
captation de l'individu qui peuvent le phagocyter (au sens même de ce
que faisait déjà par exemple Sophocle.... hihihi)
Ou encore le critère, sera celui — toujours critique — de la mise en
évidence du caractère irréductible d'une individualité qui n'est
aucunement déterminable en tant que vérité transcendante (d'où le
nombre d'oeuvres sur la mémoire : tel Nicolas Clauss / ou bien sur la
question du passage singulier de l'existence cf. Bill Viola)
Mais on me dira, que j'élimine toute hiérarchie de vérité : certes oui,
et c'est pourquoi les paradigmes politiques, esthétiques, et éthiques
doivent être réinterrogés.
C'est pourquoi de même chère Aliette, je me suis opposé très fermement
à quelqu'un que tu me sembles apprécier : MBK. Toute sa pensée tirant
vers un devoir être authentique, fondant une egologie révolutionnaire à
caractère messianique (c'est le fond de notre correspondance avant
qu'il me crache dessus sans raison dans ce petit livre très mauvais
qu'à publier <Sens et Tonka après les élections présidentielles).
Mais c'est aussi pourquoi, j'apprécie beaucoup le travail de
Christoffel, sur le rapport entre correspondance type par simulation
d'intimité, et micro-résonance individuelle de la lecture de ses
news-letter.
Par exemple, cela fait 2 ans que systématiquement j'en viens à
critiquer l'usage en littérature (mais aussi en art) de la question de
la viralité/virus, au profit d'une attention du paradigme du cancer.
En quel sens ?
du fait que la virologie suppose que ce qui s'introduit dans un corps
(la plupart du temps le monde ambiant occidental) est hétérogène et
ceci au sens littéral. Or, c'est encore là le résultat d'une
aristocratisation de l'individu face aux autres.
Le cancer est la pensée de la variation d'un individu dans un organisme
en tant que cette variation apparaît pathologiquement comme son
impossibilité à dupliquer strictement un ensemble de relations qui lui
ont été inculquées (cf. mon dernier article publié sur Joël Hubaut et
Filliou surtout dans La soeur des anges ou encore sur Doc(K)s la theory
hacktion où je développe pas mal cette question, ou encore etc....)
De même, je me questionne énormément sur le retour — et ceci dans
l'horizon des avant-gardes — à l'authentique du souffle ou du corps. Au
sens où, comme j'ai pu en parler avec Prigent, nous faisons face à une
aporie réelle au niveau des questions de l'articulation de ces vérités
(dans Grand-Mère Quéquette Prigent énonce des choses remarquables sur
cette aporie).
Tout cela pour dire, que tes remarques sont justes, mais que je ne
voudrai pas être taxé d'Heideggerien. Ni que ma pensée soit pensée
comme proche de Gregory Chatonsky.
Pour répondre à la question qui m'a été posée : Gregory et moi nous
nous sommes connus il y a 14 ans, nous étions étudiants à la Sorbonne.
Nous avons travaillé un peu ensemble à l'époque (en esthétique,
épistémologie) et avions fondé un petit journal (Champ de manoeuvre).
Ce que je peux dire, c'est que son enthousiasme et sa force de pensée
m'ont bien stimulés, même si peu à peu nous nous sommes éloignés (moi
cursus de philosophie pour devenir prof, lui artiste) et que maintenant
en effet j'ai l'impression que je ne réfléchis plus du tout sur les
mêmes questions. De loin en loin, nous nous gardons un peu le contact,
mais je suis avec attention son travail que je trouve souvent
remarquable (en tout cas dans cette piste là, ce qu'il fait m'affecte
beaucoup).
vala
boisnard
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