Zizek (hit 2x-to vote No)

Aliette Guibert guibertc at criticalsecret.com
Sun Jun 5 14:06:34 CEST 2005


Sorry of a part in French http://www.babelfish.altavista.com
(Zizek text is bilingual and you have the link to The guardian)

Réaction fort intéressante de Slavoj Zizek (qui a signé le manifeste
radical mis en ligne par projet K, de soutien européen au Non de gauche), ce
samedi dans Le guardian (UK), après les deux premiers votes Non. Il n'y va
pas par quatre chemins, il s'attribue le "nous", et si on ne savait plus ce
qu'était une pensée politique actuelle du peuple -engagée par l'innovation
critique-, en voici une...

Avec Baudrillard ce sont les deux philosophes de cette amplitude
internationale qui ont radicalement pris parti pour le Non chacun à sa façon
juste avant le vote en France (si Baudrillard, qui s'intéresse sans doute à
la pensée de Zizek et à son style organique n'a pas signé de pétition de
référence commune, par contre il a publié deux fois pour le non, une
première fois dans Rebonds - pour le défi par la réplique ironique du non -
(Libération), et une fois dans Le monde 2, le samedi précédant le vote
(entretien où il expliquait que l'appel au Non avait été d'abord une
réaction spontannée et en second lieu avant le vote, une motivation
"raisonnée").

Sur leur engagement respectif en tant que philosophes, on peut penser à
l'éternel retour * (- qui n'est pas l'éternel recommencement mais un
dispositif éthique de la vie - voir note en fin de page - chez Nietzsche)...
référence également partagée par les deux philosophes - et une des rares
choses que comme penseurs émergeant du marxisme ils tiennent également en
partage avec un philosophe qui n'arrivait pas du marxisme tel que Deleuze.

Et sous ces différents aspects, on peut donc référer à ce qui a été qualifié
de "pensées du soupçon", pensées modernes matérialistes critiques succédant
au septicisme, attribuées ensemble à Nietzsche, Freud, et Marx, dont
Baudrillard à sa façon propre, et Zizek à la sienne, constitueraient
l'émergence européenne actuelle compréhensive la plus proche des événements.

Etant sur place dans la réalité française, Baudrillard s'est probablement à
juste titre soustrait aux commentaires médiatiques TV et Presse succédant au
vote qu'il avait appelé de ses propres voeux, compte tenu de la
désinformation du vote par les commentaires puis par les événements déviants
qui ont suivi (et à voir avec l'interprétation sous l'angle d'Adorno par
Zizek).

On constate la confirmation que Zizek parle en s'associant au camp politique
du Non, auquel il a contribué de façon activiste (la pétition commune du
soutien de la gauche des divers pays et le livre juste avant les élections
"Que veut l'Europe?"), pour autant sa réaction ne dépare en rien avec sa
propre pensée (celle qu'on lui connaît en tant que penseur autonome
(post-dialectique - intégrant la problématique de l'inconscient- paradoxal).
Dans la mesure où l'auteur remixe à la fin de ce texte trois fragments issus
de son premier texte et de son livre "Que veut l'Europe ?", sur l'énigme de
la sexualité de la femme et l'autre sur l'interprétation d'Adorno du pacte
pervers direct entre l'autorité sociale et les pulsions agressives
illicites, aux dépens du moi, applicable à la situation européenne présente,
et la question des choix à propos desquels ils cite la Chine comme modèle
loin de la démocratie vers lequel tendrait le néo-libéralisme européen, on
peut y voir, plutôt qu'une facilité reproductible, la répétition voulue
d'une certitude personnelle à l'adresse de notre réflexion...

Il ne faut pas oublier que Derrida lui-même, avant sa mort, s'était
finalement désolidarisé politiquement du parti socialiste alors pouvoir et
l'annonçant dès le début de la campagne des dernières présidentielles.

Pour ceux que la publication d'Habermas aurait impressionné,
parce qu'il est un des derniers représentants vivants
de l'école de Francfort (et alors ? tous ne furent pas aussi
clairvoyants qu'Adorno et Benjamin)
rappelons qu'il est le philosophe de la dernière référence
marxiste léniniste stalinienne post-moderne, notamment perpétuant
la "reproduction" du progrès ("la modernité, un projet inachevé")...
or on voit en quoi son ancienne base de citation, le parti communiste
lui-même, a évolué plus vite que lui en gardant pied du peuple ;
il est carrément distancé et repris aujourd'hui par ceux-là même
qui rêvent d'un capitalisme autoritaire (imposé loin de la démocratie)
contre le vote souverain qui s'est soulevé pacifiquement par le Non.

L.

(Toujours traduction rapide de Louise Desrenards ; merci de la corriger si
vous la trouvez incorrecte et de me renvoyer les corrections pour faire
suivre)

http://www.guardian.co.uk/eu/story/0,7369,1499062,00.html
http://www.guardian.co.uk/eu/story/0,7369,1499062,00.html#article_continue


The constitution is dead. Long live proper politics
        La constitution est morte. Vive la politique propre

Like Amish teenagers, Europe's voters were not offered a truly free choice
        Comme aux adolescents "Amish", on n'a pas offert de choix vraiment
libre aux électeurs de l'Europe


Slavoj Zizek
Saturday June 4, 2005
Samedi 4 juin

     Amish communities practise the institution of rumspringa. At 17 their
children, until then subject to strict family discipline, are set free. They
are allowed, solicited even, to go out and experience the ways of the modern
world - they drive cars, listen to pop music, watch TV and get involved in
drinking, drugs and wild sex. After a couple of years they are expected to
decide: will they return to be full members of the Amish community or leave
it forever and become ordinary American citizens?
    Les communautés Amish pratiquent l'institution du rumspringa. À 17 ans
leurs enfants, jusque-là soumis à la discipline de famille stricte, sont mis
en liberté. On leur permet, on les sollicite même, pour sortir et éprouver
les voies du monde moderne - ils conduisent des voitures, écoutent de la
musique pop, regardent la télé et s'impliquent dans la boisson, les drogues
et le sexe sauvage. Après deux ou trois ans on attend d'eux qu'ils décident
: reviendront-ils pour être membres à part entière de la
communauté Amish ou la laisseront-ils à jamais pour devenir des citoyens
américains ordinaires ?

But far from being permissive and allowing the youngsters a truly free
choice, such a solution is biased in a most brutal way. It is a fake choice
if ever there was one. When, after long years of discipline and fantasising
about the illicit pleasures of the outside world, the adolescent Amish are
thrown into it, of course they cannot help but indulge in extreme behaviour.
    Mais loin d'être laxiste et de permettre aux jeunes un choix vraiment
libre, une telle solution est influencée par la façon la plus brutale. C'est
un choix faux si jamais il y en eut. Quand, après de longues années de
discipline et avoir fantasmé sur les plaisirs illicites du monde extérieur,
les adolescents Amish y sont jettés, naturellement, ils se livrent aux
comportements extrêmes.

They want to test it all - sex, drugs and drinking. And since they have no
experience of regulating such a life they quickly run into trouble. There's
a backlash that generates unbearable anxiety, so it is a safe bet that after
a couple of years they will return to the seclusion of their community. No
wonder that 90% of Amish children do exactly that.
       Ils veulent tout tester - le sexe, la drogue et la boisson. Et comme
ils n'ont aucune expérience de régulation d'une telle vie ils encourrent
rapidement l'ennui. Le contrecoup génère une inquiétude insupportable, c'est
donc un pari sans risque qu'après deux ou trois ans ils reviennent à
l'isolement de leur communauté. Pas étonnant que 90 % des enfants Amish
fassent exactement cela.

This is a perfect example of the difficulties that always accompany the idea
of a "free choice". While the Amish adolescents are formally given a free
choice, the conditions they find themselves in while they are making that
choice make the choice itself unfree. In order for them to have an
effectively free choice they would have to be properly informed on all the
options. But the only way to do this would be to extract them from their
embeddedness in the Amish community.
        C'est un exemple parfait des difficultés qui accompagnent toujours
l'idée "d'un choix libre". Tandis que les adolescents Amish reçoivent
formellement de choisir librement, les conditions où ils se trouvent
eux-mêmes lorsqu'ils prononcent ce choix font que le choix lui-même n'est
pas libre. Ainsi, pour qu'ils aient un choix effectivement libre, ils
devraient être correctement informés sur toutes les options. Mais la seule
façon de le faire serait de les extraire de leur incorporation dans la
communauté Amish.

So what has all this to do with the French no to the European constitution,
whose aftershock waves are now spreading all around, immediately giving a
boost to the Dutch, who rejected the constitution with an even higher
percentage? Everything. The voters were treated exactly like the Amish
youngsters: they were not given a clear symmetrical choice. The very terms
of the choice privileged the yes lobby. The elite proposed to the people a
choice that was effectively no choice at all. People were called to ratify
the inevitable. Both the media and the political elite presented the choice
as one between knowledge and ignorance, between expertise and ideology,
between post-political administration and the old political passions of the
left and the right.
        En quoi tout cela regarde-t-il le Non français à la constitution
européenne - dont les vagues de choc maintenant s'étendent alentour -
remontant immédiatement le moral au hollandais, qui rejetèrent la
constitution avec un pourcentage encore plus haut ? En tout. Les
électeurs ont été traités exactement comme les jeunes Amish : on ne leur a
pas donné de choix symétrique clair. La plupart des termes du choix
favorisaient le Oui lobby. L'élite a proposé au peuple un choix qui n'était
de fait aucun choix sur le tout. Le peuple était appelé à ratifier
l'inévitable. Tant les médias que l'élite politique ont présenté le choix
comme un choix entre la connaissance et l'ignorance, entre l'expertise et
l'idéologie, entre l'administration post-politique et les vieilles passions
politiques de la gauche et de la droite.

The no was dismissed as a short-sighted reaction unaware of its own
consequences. It was charged with being a murky reaction of fear of the
emerging new global order, an instinct to protect the comfortable welfare
state traditions, a gesture of refusal lacking any positive alternative
programme. No wonder the only political parties whose official stance was no
were those at the opposite extremes of the political spectrum. Furthermore,
we are told, the no was really a no to many other things: to Anglo-Saxon
neoliberalism, to the present government, to the influx of migrant workers,
and so on.
        Le Non a été discrédité comme réaction myope inconsciente de ses
propres conséquences. Il a été attribué à
une réaction obscure de crainte sur le nouvel
ordre mondial émergent, à un instinct pour protéger les traditions
confortables de la société d'abondance, à un geste de refus dépourvu de tout
programme alternatif positif. Pas étonnant que les seuls partis politiques
dont la position officielle fut pour le Non se trouvent être ceux des
extrêmes opposés dans le spectre politique. En outre, nous dit-on, le Non
était en réalité un Non à beaucoup d'autres choses : au neoliberalisme
anglo-saxon, à un gouvernement en place, à l'afflux d'ouvriers émigrés, et
cetera.

However, even if there is an element of truth in all this, the very fact
that the no in both countries was not sustained by a coherent alternative
political vision is the strongest possible condemnation of the political and
media elite. It is a monument to their inability to articulate the people's
longings and dissatisfactions. Instead, in their reaction to the no results,
they treated the people as retarded pupils who did not understand the
lessons of the experts.
    Cependant, même s'il y a un élément de vérité dans tout cela, le fait
que le Non dans les deux pays n'ait pas été supporté par une vision
politique alternative cohérente est la plus forte condamnation possible de
l'élite politique et des médias. C'est un monument à leur incapacité
d'articuler les attentes et les insatisfactions des gens. Au lieu de cela,
dans leur réaction aux résultats du Non, ils ont traité le peuple comme les
élèves retardés qui n'auraient pas compris les leçons des experts.

So although the choice was not a choice between two political options, nor
was it a choice between the enlightened vision of a modern Europe, ready to
embrace the new global order, and old, confused political passions. When
commentators described the no as a message of befuddled fear, they were
wrong. The real fear we are dealing with is the fear that the no itself
provoked within the new European political elite. It was the fear that
people would no longer be so easily convinced by their "post-political"
vision.
        Aussi, bien que le choix ne fut pas un choix entre deux options
politiques, ce ne fut pas davantage un choix entre la vision éclairée d'une
Europe moderne, prête à embrasser le nouvel ordre mondial, et vieux,
embarassé de passions politiques. Quand les commentateurs ont
décrit le Non comme un message de crainte stupéfiée, ils ont eu tort. La
crainte réelle avec laquelle nous traitons est la crainte que le Non
lui-même a provoqué dans la nouvelle élite politique européenne. C'était
la crainte que les gens ne fussent plus si facilement convaincus par sa
vision "post-politique".

And so for all others the no is a message and expression of hope. This is
the hope that politics is still alive and possible, that the debate about
what the new Europe shall and should be is still open. This is why we on the
left must reject the sneering insinuations of the liberals that in our no we
find ourselves with strange neo-fascist bedfellows. What the new populist
right and the left share is just one thing: the awareness that politics
proper is still alive.
        Et aussi pour tous les autres, le Non est un message d'expression
et d'espoir. C'est l'espoir que la politique soit toujours vivante et
possible, que le débat sur la nouvelle Europe
soit et doive toujours rester ouvert. C'est pourquoi nous,
de gauche, nous devons rejeter les insinuations des libéraux raillant
que dans notre Non nous nous trouvions avec d'étranges compagnons
de lit néo-fascistes. Ce que le nouveau populiste de droite comme
de gauche révèle est juste une chose : la conscience que la politique au
sens propre soit encore vivante.

There was a positive choice in the no: the choice of choice itself; the
rejection of the blackmail by the new elite that offers us only the choice
to confirm their expert knowledge or to display one's "irrational"
immaturity. Our no is a positive decision to start a properly political
debate about what kind of Europe we really want.
        Il y avait un choix positif dans le non : le choix du choix
lui-même ; le rejet du chantage de la nouvelle élite
qui nous offre seulement le choix de confirmer sa connaissance
experte ou de montrer notre immaturité "irrationnelle".
Notre Non est une décision positive de commencer un débat
politique au sens propre sur le genre d'Europe que nous voulons vraiment.

Late in his life, Freud asked the famous question " Was will das Weib? ",
admitting his perplexity when faced with the enigma of female sexuality.
Does the imbroglio with the European constitution not bear witness to the
same puzzlement: what Europe do we want?
        Tard dans sa vie, Freud a posé la question célèbre " Was will das
Weib? " ("Que veut la femme ?") en admettant sa perplexité face à l'énigme
de la sexualité féminine. L'imbroglio avec la constitution européenne ne
témoigne-t'il pas de la même perplexité : quelle l'Europe voulons-nous ?

To put it bluntly, do we want to live in a world in which the only choice is
between the American civilisation and the emerging Chinese
authoritarian-capitalist one? If the answer is no then the only alternative
is Europe. The third world cannot generate a strong enough resistance to the
ideology of the American dream. In the present world constellation, it is
only Europe that can do it. The true opposition today is not between the
first world and the third world. Instead it is between the first and third
world (ie the American global empire and its colonies), and the second world
(ie Europe).
        Pour le dire franchement, voulons-nous vivre dans un monde où le
seul choix est entre la civilisation américaine et le capitalisme
autoritaire chinois émergent ? Si la réponse est Non, alors la
seule alternative est l'Europe. Le Tiers-Monde ne peut pas produire une
résistance assez forte à l'idéologie du rêve américain. Dans la
constellation présente du monde, c'est seulement l'Europe qui peut le faire.
La vraie opposition n'est pas aujourd'hui entre le premier monde et le
Tiers-Monde. Au lieu de cela il est entre le premier accru du Tiers-Monde
(c'est-à-dire l'empire global américain et ses colonies) et le
deuxième monde (c'est-à-dire l'Europe).

Apropos Freud, Theodor Adorno claimed that what we are seeing in the
contemporary world with its "repressive desublimation" is no longer the old
logic of repression of the id and its drives but a perverse pact between the
superego (social authority) and the id (illicit aggressive drives) at the
expense of the ego. Is not something structurally similar going on today at
the political level: the weird pact between the postmodern global capitalism
and the premodern societies at the expense of modernity proper? It is easy
for the American multiculturalist global empire to integrate premodern local
traditions. The foreign body that it cannot effectively assimilate is
European modernity.
        À propos de Freud, Theodor Adorno déclara que ce qui nous arrivait
dans le "monde administré" contemporain et sa  "désublimation répressive"
n'était plus la vieille logique de la répression du ça et de
ses pulsions, mais un pacte pervers direct entre
le surmoi (l'autorité sociale) et le ça (les
pulsions agressives illicites), aux dépens (à la charge) du moi.
 N'y a-t-il pas quelque chose de structurellement semblable dans ce
qui se passe au niveau politique : aux dépens (à la charge)
de la modernité appropriée, avec le pacte mystérieux
entre le capitalisme mondial post-moderne et les sociétés
pré modernes ? Pour l'empire américain global multiculturaliste,
il est facile d'intégrer des traditions locales pré modernes.
Le corps étranger qu'il ne peut pas assimiler effectivement
est la modernité européenne.

The message of the no to all of us who care for Europe is: no, anonymous
experts whose merchandise is sold to us in a brightly coloured
liberal-multiculturalist package will not prevent us from thinking. It is
time for us, citizens of Europe, to become aware that we have to make a
properly political decision about what we want. No enlightened administrator
will do the job for us.
        Le message du Non à tous ceux d'entre nous qui nous soucions de
l'Europe, c'est : Non, les experts anonymes dont
les marchandises nous sont vendues dans un paquet
libéral-multiculturaliste vivement coloré ne nous empêcheront de
penser. Il est temps pour nous, citoyens de l'Europe, de parvenir à la
conscience que nous devions prendre une décision proprement politique de ce
que nous voulons. Aucun administrateur éclairé ne fera le travail à notre
place.



· Slavoj Zizek is the international director of the Birkbeck Institute for
the Humanities

 · Slavoj Zizek est le directeur international de l'Institut de Birkbeck
pour les Humanités

______________________________

* Pour mémoire sur l'éternel retour
(lien pédagogique sur la philosophie de Nietzsche) :

http://perso.wanadoo.fr/sos.philosophie/nietzsch.htm

Extrait de la fin de l'article :

La méthode généalogique.

(...)

C'est ici qu'intervient le thème de l'éternel retour. L'éternel retour est
le sens du surhomme. Le surhomme est celui qui dit oui à l'éternel retour.

L'éternel retour n'est pas celui des Stoïciens. Nietzsche sait bien que les
choses ne se répètent pas cycliquement. Il s'agit d'une formule morale
(qu'il substitue à l'impératif kantien) : " Ce que tu veux, veuille-le de
telle manière que tu puisses en vouloir le retour éternel ". L'homme
supporte la douleur parce qu'il espère la récompense à sa souffrance (morale
chrétienne). Mais il ne la supporterait plus s'il fallait toujours
recommencer. L'idée du retour éternel élimine le désir de douleur et de
négation de soi. Nous sommes prêts à recommencer nos joies et non nos
faiblesses.

L'homme fort est celui qui veut être et qui veut être tour à tour tous les
autres. Il dit " Je suis bon parce que j'existe ". Il s'affirme et cette
attitude n'a rien à voir avec celle de l'homme faible qui dirait " Je suis
bon parce que tu es méchant ". Quand la bonté de la morale traditionnelle
est négation, la bonté du maître est positive.

Nietzsche réhabilite le corps. Le corps est un rapport de forces entre
forces dominantes et forces dominées. Les forces dominantes sont les forces
actives, les forces dominées sont les forces réactives. Chez le maître, les
forces actives (d'action) sont dominantes. Il va jusqu'au bout de son
vouloir. Il crée et fait son plaisir de sa création. Les forces réactives,
au contraire, sont celles du souvenir, des traces laissées par les
événements. Chez le maître, les deux types de force sont en équilibre. Il
lui arrive de se souvenir mais sans y attacher de l'importance. " L'oubli
est une forme et la manifestation d'une santé robuste ". La mémoire est pour
Nietzsche esprit de vengeance. L'historien est le gardien de l'esprit de
vengeance. Chez l'esclave, les forces du souvenir prennent le dessus. Au
lieu d'agir, il se souvient (culpabilité, remords, ressentiment). Nietzsche
refuse la morale du péché. Le péché est le ressentiment, la culpabilité de
celui qui ne peut oublier sa faute, la mauvaise conscience qui cache la
haine. S'accuser, c'est viser à la vengeance contre soi par autodestruction
avec l'idée qu'on ne peut s'en sortir, se racheter que par la douleur du
faux ascétisme.

Le maître aussi parfois souffre mais sans y attacher d'importance.
L'esclave, lui, prend plaisir à s'accuser puis à accuser les autres.

Nietzsche rêve d'une culture supérieure d'homme : le surhomme, l'übermensch.
Dans Ainsi parlait Zarathoustra on trouve l'image du danseur de corde : un
funambule marche sur une corde tandis que la populace le regarde. Le danseur
de corde glisse et tombe. Il va mourir mais Zarathoustra lui dit qu'il était
sur la bonne voie. La corde symbolise la marche vers le surhumain. C'est
l'image du risque (mais la liberté ne s'accorde pas avec la sécurité) car
l'homme fort aime le risque quand le faible cherche sans cesse des appuis,
des crampons, la sécurité. C'est aussi l'image de la maîtrise de soi,
nécessaire à un tel exercice. La populace qui regarde symbolise les faibles,
le troupeau des agneaux bêlants. Le danseur tombe. Il n'est pas arrivé
jusqu'au bout mais qu'importe ! il était sur la bonne voie et il faut
continuer dans ce sens. D'ailleurs, on ne meurt pas toujours et " ce qui ne
tue pas rend plus fort ".

Ainsi, pour Nietzsche, la philosophie se doit d'être remise en cause,
puissance critique. Elle remet en cause les illusions des valeurs
traditionnelles dont il pense qu'elles nient l'homme. Devenir un surhomme,
c'est renoncer à ces valeurs négatives, les surmonter au profit de nouvelles
valeurs positives, créatrices, valeurs dont il annonce l'Aurore. Tout aussi
bien, le surhomme n'est pas un être mais peut devenir un peuple: "
Solitaires d'aujourd'hui, vous qui vivez à part, vous serez un jour un
peuple. Vous qui vous êtes élus vous-mêmes, vous formerez un jour un peuple
élu - et c'est de ce peuple que sortira le surhomme ".







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