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claudia westermann media at ezaic.de
Sat Oct 16 00:34:01 CEST 2004


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>I remembered.
>you like ice only when it's melted

"Aux EU la culture démocratique a été tellement érodée qu'une élection
offre des choix à ce point réduits que c'est pratiquement une caricature."

 
Chomsky




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VOIX ALTERNATIVES TOUCHENT DESORMAIS UN PUBLIC GLOBAL, déclare Chomsky

Entretien avec Noam Chomsky par Jim Cason et David Brooks, pour La Jornada

La Jornada, México D.F. dimanche 19/09/04






Washington et New York, 18 septembre. Noam Chomsky a toujours critiqué les
médias étasuniens qui "fabriquent l'assentiment" [1] du peuple sur l'agenda
du pouvoir, mais dans un entretien avec La Jornada il a exprimé un
surprenant optimisme en estimant que la presse institutionnelle est de plus
en plus défiée par les nouveaux médias alternatifs, en particulier ceux que
l'on trouve sur internet.






"Le site de La Jornada est un bon exemple du type de média qui n'existait
pas il y a 20 ans, ou même 10", a t-il expliqué. "Cela a un effet indirect
sur les autres médias, lesquels ont été contraints de répondre à
l'ouverture de l'information qui est en train de se réaliser".






Les voix alternatives, a t-il ajouté, qui ont été publiées par La Jornada
et d'autres médias non seulement atteignent des publics nationaux, mais
aussi internationaux, à un niveau si étendu que les médias institutionnels
ne peuvent plus aujourd'hui rejeter ces interlocuteurs.






Au cours de cet entretien à l'occasion du 20e anniversaire de la Jornada,
Chomsky, reconnu comme une des principales figures intellectuelles du XXe
siècle, a estimé que l'usage d'internet, outre le fait de faciliter et
d'accélérer la communication dans les mouvements sociaux et entre eux,
permet de lancer un défi au contrôle des médias établis. Ce sont là deux
des nouveaux facteurs les plus importants qui ont surgi au cours des 20
dernières années.






Néanmoins, il a insisté sur le fait qu'il croit encore que la majorité des
médias continue à remplir la fonction de promotion et de légitimation des
intérêts des dirigeants politiques et économiques. Il s'agit là d'un thème
que Chomsky a largement développé dans ses livres et essais, ce qui, en
partie, a entraîné la censure quasi-générale de sa voix dans les principaux
médias sur papier et électroniques de ce pays durant des décennies.






Intellectuel redécouvert



Mais dans la dernière année, les médias étasuniens ont redécouvert Chomsky.
Le New York Times l'a cette année, pour la première fois, présenté comme
"le père de la linguistique moderne" et un des intellectuels les plus
importants du siècle à l'échelle mondiale. Le Washington Post a également
publié son portrait après que son livre 9/11 se soit vendu à des centaines
de milliers d'exemplaires et ait figuré sur la liste des best-sellers. Le
Times lui-même a publié cette année un article de Chomsky.






Toute cette attention n'a pas modéré les critiques de Chomsky. Les
Etats-Unis aujourd'hui, affirme t-il, sont un bon exemple de ce qu'on peut
appeler "un Etat qui a échoué", car "son système démocratique est formel ;
de fait, une société assez libre, mais qui ne fonctionne pas, simplement.
C'est là le résultat d'une énorme concentration de pouvoir dans une société
administrée à un niveau inhabituel par une communauté patronale à haute
conscience de classe".






Et d'ajouter :


"Aux EU la culture démocratique a été tellement érodée qu'une élection
offre des choix à ce point réduits que c'est pratiquement une caricature."
Puis : "Le fondement d'une démocratie est une société civile qui
fonctionne, et qui n'apparaît pas seulement une fois tous les quatre ans",
mais ce type de société "n'existe presque pas aux EU".






Dans ce contexte Chomsky analyse le rôle-clé des médias. "Ce qu'ils font
avec le système éducatif est d'endormir l'intelligence de chacun, de
réduire la confiance en soi, à tel point qu'il est impossible de penser", a
t-il expliqué. "Parce que les qualités qui sont requises pour penser sont
ce qu'ils (les médias et le système éducatif) arrachent de ta tête, aussi
bien l'aptitude à penser que la conviction qu'il s'agit du droit de tous".






Il ne s'agit pas d'un accident. Chomsky soutient qu'à la fin du XIXe siècle
il existait bien une presse libre ici et en Angleterre. Les journaux
décrivaient les horreurs des usines et fréquemment le travail salarié était
caractérisé comme un nouveau type d'esclavage. La classe dirigeante
britannique répondit d'abord en cherchant à censurer les médias, mais très
vite l'establishment, que ce soit en Angleterre ou aux EU, se rendit compte
que la meilleure façon de contrôler les médias était la concentration de la
propriété et une plus grande dépendance à l'égard de la publicité pour
faire le ménage dans la presse. Cela a provoqué une réduction en ce qui
concerne les opinions, les voix et l'information présentes dans les médias
de masse établis.






Chomsky prend l'exemple des élections d'il y a 20 ans au Nicaragua alors
que La Jornada commençait à paraître à Mexico. "Jamais un scrutin n'a
probablement été aussi contrôlé", expose t-il. Il ajoute que des
associations académiques et des experts électoraux étasuniens, anglais,
irlandais et autres observèrent les élections. Cela avait lieu au moment le
plus agressif de la guerre que livrait la contra dirigée par l'ambassade
des EU au Honduras, sous le gouvernement de Ronald Reagan qui faisait tout
son possible pour miner le processus électoral.










"Malgré tout, les élections eurent lieu et furent jugées impartiales",
remarque Chomsky. Mais les médias étasuniens ne rendirent pas compte que le
processus avait été considéré comme libre. "Pour les médias étasuniens
établis, ces élections n'eurent pas lieu ; Washington ne souhaitait pas ce
qui était arrivé ; par conséquent elles n'eurent pas lieu. Ce qui est
accepté aujourd'hui aux EU est que les premières élections au Nicaragua
datent de 1990, et non de 1984", complète t-il.






Les conséquences de ne pas informer sur les événements du Nicaragua sont
visibles jusqu'à aujourd'hui. Chomsky fait remarquer que quand le récent
ambassadeur étasunien nommé en Irak, John Negroponte, a été proposé, on n'a
pratiquement pas mentionné ses antécédents comme ambassadeur au Honduras
dans la guerre de la contra. "En ce temps-là (...) les EU dirigeaient les
opérations de la contra, faisant circuler leurs instructions sur qui il
fallait tuer et quand".






Dans l'information donnée sur la nomination de Negroponte, son rôle au
Honduras a été seulement brièvement évoqué dans les médias-quand il l'a
été-affirme Chomsky. Il n' y a que le Wall Street Journal qui publia
quelque chose de plus ample sur le rôle de Negroponte comme "proconsul" au
Honduras. C'est un exemple de la manière dont les médias fabriquent
l'acceptation des dirigeants par la population.






Mais la différence aujourd'hui est la prolifération des sources
alternatives d'information, "particulièrement internet, qui permet la
distribution massive de matériaux qui échappent au contrôle des médias
établis". Il y a 20 ans, les médias de masse pouvaient généralement ignorer
ou déformer des faits tels que les élections, mais cela n'est plus aussi
facile, assure t-il.






Le constat du passé étant fait, prenons la bataille du printemps dernier
dans la zone de Fallujah en Irak, où des centaines de civils sont morts
assiégés et bombardés par les forces étasuniennes en réponse à la mort de
quatre entrepreneurs civils. Mais finalement les marines durent suspendre
le siège et cette ville demeure hors du contrôle des forces occupantes et
de ses alliés.






"Que se serait-il passé à Fallujah il y a 40 ans ? Il l'aurait bombardée
avec les B-52. Cette fois, il ont dû faire marche arrière. Il y avait trop
de sources d'information", explique t-il. Avec les images de la ville
attaquée transmises par la télévision arabe et par internet, la population
étasunienne a été témoin des pertes civiles, ce qui, en partie, a obligé au
repli des troupes. Chomsky, comme d'autres, signale aussi que l'appui
mondial à l'Armée Zapatiste de Libération Nationale n'aurait pas été si
grand il y a encore une vingtaine d'années, quand il n'y avait pas internet.



Ou du moins, bien qu'il y avait des médias alternatifs il y a 20 ans-par
exemple La Jornada et d'autres couvrirent les premières élections au
Nicaragua-la diffusion des données et des perspectives n'étaient pas aussi
répandue faute d'un accès global.






Mais Chomsky constate que bien qu'il y ait de l'information disponible pour
qui veut bien faire l'effort de la rechercher dans les médias alternatifs,
la majorité de la population aux EU continue d'être dépendante des médias
conventionnels patronaux. Le résultat peut aisément s'observer en analysant
l'actuelle conjoncture électorale. "Pour les prochaines élections, regardez
qui est autour de la table. Il y a deux candidats, l'un et l'autre d'une
richesse impressionnante, de familles puissantes, formés à la même
université", commente t-il. "Les deux peuvent concourir parce qu'ils sont
financés par les mêmes intérêts patronaux".






Pour l'élection de novembre, pour la première fois depuis des décennies,
Chomsky trouve tellement inquiétant le gouvernement de G. W. Bush, qu'il
décrit comme un "nationaliste radical" qui se consacre à la "violence
impériale", qu'il apporte une forme très tiède d'appui à son adversaire,
John Kerry, en disant de lui : "c'est une fraction meilleure" que Bush.






Il ajoute néanmoins que les différences entre les deux candidats sont peu
substantielles et même difficiles à détecter. Cela, certainement, n'est pas
accidentel, depuis que les élections aux EU tournent autour des "qualités"
des candidats, et non sur leurs propositions ou leurs idées. Ainsi, ce
n'est pas un hasard si les mots "caractère", "leadership" ou "personnalité"
sont ceux employés pour décrire les candidats, au lieu d'approfondir leurs
positions sur des questions politiques.






Les candidats sont entraînés pour être peu clairs sur les grands thèmes
parce que les dirigeants savent qu'aucun des deux partis officiels n'offre
de solutions aux problèmes que la majorité du pays souhaite résoudre. Par
exemple, il y a une réclamation pour qu'on trouve une solution à la crise
du système de santé, mais aucun des candidats ne se risque à proposer des
solutions sérieuses sur ce sujet, pas plus qu'en matière d'éducation,
d'emploi ou sur la guerre.






"La politique aux EU est très maigre et indigente ; les thèmes essentiels
ne sont pas discutés".






Mais en même temps, souligne t-il, "le plus encourageant, très nouveau et
excitant, est que pour la première fois dans l'histoire il y a d'énormes
mouvements populaires internationaux, avec une vaste solidarité dans le
monde. Ils se sont plus développés au Sud, en Inde, au Brésil, mais ils
sont maintenant étendus au Nord. Ils se préoccupent d'aborder les problèmes
fondamentaux de l'injustice, de l'oppression et de la violence, et agissent
pour les résoudre". En cela, souligne t-il, les médias progressistes, avec
leur nouvelle envergure internationale via internet, jouent un rôle-clé.










[1] En anglais, Chomsky parle de "Manufacturing Consent" qu'on trouve
traduit aussi en français par "Fabrication du Consensus", N.d.t.






Traduit de l'espagnol par Gérard Jugant pour Révolution Bolivarienne






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